Les concours de mini-miss et les très jeunes mannequins sont de plus en plus fréquents. Les corps des toutes jeunes filles sont érotisés dans les médias. Pour mieux comprendre les effets de l'hypersexualisation, Trucs De Nana a interrogé Zoé Piveteau, psychologue de métier. Interview à lire.
Trouvez-vous que l’hypersexualisation des jeunes filles est plus présente ces dernières années?
Oui, depuis plusieurs années on assiste à un vrai matraquage de messages et d’images sexuels dans l’espace public.
Depuis toujours, les enfants ont été à certaines périodes de leurs vie dans l’imitation. Ressembler à l'adulte est une part logique de la construction de l'enfant, sauf quand c’est organisé par les adultes. Cela a de lourdes conséquences sur le développement des enfants et sur la société, ce n'est plus naturel.
Que pensez-vous de l’attitude des célébrités qui mettent en avant leurs petites filles en leur faisant porter des talons, des marques, et du maquillage? Les jeunes filles les prennent-elles en modèle?
Tout le monde a un rôle à jouer ; les dirigeants marketing, les politiques, les gens célèbres. Tout le monde est la cible du marketing. Les marques de vêtements sponsorisent les actrices en leur demandant de porter leur marque. C’est en devenant porte drapeau qu’elles ont une responsabilité envers les jeunes. Les journalistes manquent aussi souvent d'une éthique professionnelle : ils sont souvent plus soucieux de faire le buzz qu’autre chose et le bon sens s'en ressent. En effet, il y a peu de corps de femmes différents présentés comme sexy. L'unique rôle auquel la jeune fille peut s'identifier est la belle imbécile qui doit de plaire aux garçons. Il suffit de regarder une heure une chaine de clip pour comprendre.
La petite Suri Cruise est vraiment adorable, mais n'est elle pas un peu jeune pour jouer les fashionistas en talons ?
Les starlettes de télé-réalité qui mettent leur sexualité et leurs atouts au premier plan sont-elles dangereuses pour les préadolescentes?
Oui Bien sûr ! C’est une violence faite à leur innocence. Ce type d'émission transmet une réalité faussée qui empêche de réfléchir au-delà du narcissisme et qui standardise une vision idéalisée du corps. L’unique préoccupation est d’être populaire les modèles donnés sont les bimbos. Le message passé est donc clair : sois sexy pour être choisie, soit sexuelle pour rester. Le côté dangereux de ce type d'émission réside aussi dans le fait qu'elles stigmatisent tous ceux qui ne sont pas à la hauteur des modèles proposés et donc « qui se sentent moins bien que » et « qui voudraient être comme » et qui passent ainsi des années loin de l’essentiel, à savoir eux-mêmes.
La notoriété qu'on tire de ce genre de gloire est éphémère et la chute fracassante, comme en témoignent Loana et FX, et plus récement, Nabilla.
Nabilla, la starlette de la télé-réalité, récemment accusée d'avoir poignardé son compagnon…
Quelles sont les conséquences de cette hypersexualisation chez les jeunes filles?
L’essentiel, c’est surtout comment elles se présentent aux garçons et comment les garçons se présentent à elles et quelles sont les attentes de ce jeune couple. La médiatisation de la pornographie ( vidéo, pub …) a pollué le rapport au corps et donc la rencontre amoureuse. Les garçons veulent être plus que jamais performant et les filles être aussi bonnes que le souhaite le garçon.
Ainsi, on assiste plus à une rencontre sexuelle entre deux personnes, mais presque entre deux objets, il est alors question de « niquer » et de « trous ». Faire l’amour c’est échanger des sentiments et ressentir des émotions. Ces enfants ont un kit de fantasmes formatés par les clip, les pub, le porno.
Savez-vous combien d’entre elles sont touchées? Avez-vous reçu de jeunes patientes qui se sont avérées très préoccupées par leur image ?
Oui, je reçois aussi des jeunes adultes qui sont perdues dans leur sexualité et dans l’estime d’elle-même. Car ce n’est pas un phénomène si nouveau, même si il s’est accentué.
Pensez-vous que les concours de mini-miss ont accentué le phénomène ?
Oui mais les choses étaient déjà amorcées avant vu que dans ces concours, il y a avant tout des mères qui cherchent par procuration un regard qu’elles attendaient pour elles-mêmes. Comme dit Christiane Olivier : « Certaines mères instrumentalisent leurs fillettes innocentes sur lesquelles elles projettent leurs rêves sexuels et leurs espoirs déçus de célébrité ou tout simplement de jeunesse. »
On peut s'interroger sur le choix des costumes et du « spectacle » pour une petite fille de 5 ans. Sans parler du fait de la forcer à vaincre son vertige pour le concours de la semaine prochaine.
Les réseaux sociaux ne sont pas autorisés avant 13 ans mais de nombreux enfants modifient leur date de naissance pour y avoir accès. Ont-ils leur responsabilité pour protéger les mineurs?
Oui, personne ne peut s’exonérer de ses responsabilités. Chacun est responsable des services qu’il propose et des choix qu’ils induisent. Les parents doivent également être vigilants. Rien ne se perd sur internet, rien ne s’oublie. Et parce qu’on vit dans un univers familial sécurisé, on n’imagine pas une seconde que des adultes peuvent utiliser des photos de vacances en maillot ou en soirée à des fins sexuelles.
Quid des relations avec les garçons qui ont 13 ans? Ne sont elles pas décalées et ne risquent-elles pas de plaire à des garçons de 18 ans et ? Que faire pour les protéger ?
Les filles et les garçons évoluent ensemble dans cette banalisation de l’hypersexualisation. Ils trouvent cela normal tous les deux. Les filles ont toujours préféré les garçons plus vieux, c’est le fantasme qui veut ça. Le problème est l'état dans lequels arrivent les garçons et les filles dans la découverte de leur corps et de leur sexualité. Etant donné qu’ils formatés depuis leur plus jeune âge, ils sont plein de stéréotypes et le plus grand défi est donc de se rencontrer eux-mêmes, leurs émotions, leur plaisir et ne pas « faire ce qui se fait ».
Les phénomènes de Barbie humaines et les mannequins ont-ils un impact sur la représentation de la femme chez les jeunes filles ? Comment les mettre en garde?
Oui. Il est essentiel de développer leur libre-arbitre. De leurs expliquer les codes de la pornographie, du marketing, pour que les messages publicitaires et sexuels soient identifiés comme tels et non assimilés à une relation amoureuse. De même, il est important de valoriser la séduction, le rapport à soi et à l’autre en tant que personne. Parler du plaisir à être ensemble et pas uniquement au plaisir de posséder (avoir un copain).
Valeria Lukyanova, transformée au point d'être une véritable Barbie humaine. Mais où s'arrêtera le carnage ?
Vers quel âge peut-on autoriser les jeunes filles à porter des tenues plus féminines (talons), et du maquillage ?
C’est à chacun d’y réfléchir. Et surtout à pourquoi on veut le faire : pour être comme les copines, pour masquer un peu d’acné, parce que l’on se trouve moche ? ou petite ? Il y a des choses que le maquillage ne camoufle pas : l’absence de confiance en soi. Donc tout cela est à penser avec sa fille. Il n’y a pas de formule à appliquer.
La pornographie est de plus en plus répandue sur le web et accessible à de très jeunes filles. Modifie-t-elle la perception de la séduction et de la sexualité chez les pré-ados?
Bien sur ! Les garçons sont dans la performance, les filles sont dans la recherche de faire plaisir au garçon qui est lui-même un peu confus. Le porno à ce jeune âge vient faire surtout écran à la rencontre amoureuse. Au lieu d’être deux dans les bras l’un de l’autre, les jeunes amants sont préoccupés par ce qui doit se faire ou pas, de ce que vont en penser les copains … Avec le porno, on est loin de la rencontre, c'est une forme d’exutoire et non un modèle relationnel.
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