Cliquez sur le site très peaufiné de Gleeden, et vous rentrez dans un boudoir aux couleurs suaves. Ce décor accueillant qui se veut dédramatisant cache la réalité de l’adultère pour le lecteur dans le déni de ce que génère l’infidélité dans la vie conjugale. Car en dehors de la réalité virtuelle, l’adultère provoque douleur, souffrance, […]
Cliquez sur le site très peaufiné de Gleeden, et vous rentrez dans un boudoir aux couleurs suaves. Ce décor accueillant qui se veut dédramatisant cache la réalité de l’adultère pour le lecteur dans le déni de ce que génère l’infidélité dans la vie conjugale. Car en dehors de la réalité virtuelle, l’adultère provoque douleur, souffrance, culpabilité, incompréhension et résignation dans la réalité des gens.
Ici, les témoignages d’internautes mis en promontoire viennent flatter l’ego et le désir du lecteur. Les statistiques misent en avant comme des gages rassurants, viennent bercer la culpabilité qui pourrait poindre chez l’infidèle en herbe. On apprend alors que selon l’enquête du site « 62% des hommes se disent prêts à pardonner l’infidélité de leur chère et tendre, dont 35% sous certaines conditions ! » A la lectrice d’en conclure qu’elle a une chance sur deux que son mec ne s’en formalise pas, à moins bien sur qu’elle ne soit tombée sur un ringard ! Car selon le site, les amants ont la cote.
En parlant de cote, pour celles qui ont succombé aux sirènes du « love affair marketing » vous pourrez noter votre amant et même le recommander à vos amies… On peut s’insurger de la représentation de l’homme et de la femme induite par une telle démarche. Non seulement l’homme n’est plus que l’objet de votre désir, mais il devient un produit quantifiable, commercialisable, sur lequel, on vend des pages web, des pubs… Si vous êtes choqués, réservés ou tout simplement que vous trouvez ça nul, Gleeden a une réponse pour vous, vous êtes coincés ! Vous êtes complètement tissés dans vos carcans sociaux, victimes de vos tabous… C’est incroyable, car finalement, cette position de juge et parti, ne permet aucune critique, aucune réflexion sur le fonctionnement psychique et éthique des démarches commerciales, tout est contré empêchant ainsi le dialogue de se créer.
Le site surfe sur l’actualité et tient à jour une newsletter. Il propose aussi le test de l’été, qui est une exhortation à franchir le cap, car peut importe votre nombre d’étoiles, de losanges ou de ronds, la conclusion sera que vous êtes infidèle. Une infidèle niaise qui croit au prince charmant, une infidèle hésitante car vous réfléchissez trop et que vous vous culpabilisez. Et enfin si vous avez une majorité d’étoiles, vous serez la bonne élève du site, la star : « vous êtes infidèle et vous l’assumez avec audace ! ». Vous comprendrez qu’il y a trois catégorie de femmes, d’amoureuses, et que miser sur la fidélité, c’est se bercer d’illusion ou être une old school encombrée du bulbe !
Avec cynisme, on peut être amusé de l’éthique du site et faire un parallèle avec l’adultère lui-même car Gleeden promet une adhésion sans engagement, rapide et gratuite. En effet, ce n’est que par la suite que vous paierez, à la hauteur de vos actions et de vos demandes.
L’adultère est un produit autour duquel la grande machine commerciale a lancé sa campagne de communication. Avec des références culturelles et « scientifiques », ils espèrent convaincre et être crédibles auprès d’un public varié et nombreux.
En mettant en avant leur démarche, en voulant créer le buzz, parce qu’ils valorisent ce qui est une transgression conjugale et sociale, ils pensent porter la parole des incompris de la monogamie, ils pensent faire acte de courage en portant une parole, en revendiquant des actes qui ont lieu depuis des millénaires. Mais le courage ne serait-il pas pour tout un chacun de s’affronter soi-même, de réfléchir à ce que signifie la quête de plaisir au dehors du couple, des raisons pour lesquelles le couple et ses membres arrivent à cette situation ? Comment se construire à deux et seul de manière épanouie sans croire que l’herbe est plus verte ailleurs, sans penser que son potentiel de séduction se trouve dans les yeux des autres…
Dans les micro-trottoirs menés par le site, dans les rubriques tout comme dans une pensée populaire, l’idée d’être victime de l’amour est omniprésente : « on est pas à l’abri de tomber amoureux, du coup de foudre… », comme si on n’était pas à l’abri du désir de l’autre et que l’amour venait du dehors, qu’il ne faisait que nous percuter. Il n’y a rien de plus faux, et cela montre combien on construit à travers cette croyance cette insécurité affective qui entretient le lit des troubles relationnels et conjugaux.
C’est très déculpabilisant pour l’amant et le trompé aussi de croire que « ce n’est pas de ma faute, j’y suis pour rien c’est arrivé comme ça ». La rencontre avec un autre, l’adultère est possible quand il y a un espace, un malaise, des non-dits, quelque chose de non-élaboré dans la relation conjugale et chez l’homme et la femme.
La vie de couple se travaille et c’est quotidiennement que les partenaires font le choix d’être ensemble, de se faire confiance, de nourrir leur vie à deux, de faire grandir leur amour, de le maintenir, de le rendre sain… L’amour, et à fortiori notre façon d’aimer, sont influencés (pas conditionnés) par notre vécu, notre réflexion, la relation à soi-même, la conception de l’homme et de la femme, son masochisme, sa toute-puissance, ses craintes, ses joies.
Loin d’être une utopie, la vie conjugale connaît des temporalités, des intensités différentes, des moments de plénitudes, des zones de turbulences ou de crise et c’est au partenaire de l’accepter et de voir au-delà de la satisfaction immédiate de ses besoins.
Pour que la vie soit parcouru ensemble, il est nécessaire :
– que chacun ait une bonne connaissance de soi et de l’autre dans ses craintes et dans ses désirs
– une conscience de l’ambivalence et une acceptation, que son compagnon ne peut pas être idéal en tout : en somme l’aimer avec ses défauts
– qu’il y ait un partage, une circulation des savoirs et des plaisirs
– qu’il y ait plusieurs modes et terrains de satisfactions : intellectuels, relationnels, sexuels, culturels, ludiques…
– qu’il y ait une communication, que le langage soit le support des angoisses et des fantasmes
– que la sexualité ne soit pas le seul moyen de mettre en acte ses affects
– que les partenaires du couple réinvestissent dans le couple, ce que celui-ci lui a apporté comme bénéfices ( sérénité, présence, affection, confort psychique, social, matériel, découverte, culture…)
Tromper, c’est croire que le manque peut être satisfait ailleurs et que le manque est inhérent au couple, à l’homme, à la femme, à la « routine »… Mais cela fait l’économie d’une réflexion sur vous-même et une fois le voile levé, l’interdit transgressé, la pulsion satisfaite, une fois dégrisé de tout cela, vous ne pourrez que constater que les choses n’auront pas changé, que vous serez de nouveau confronté aux mêmes sensations d’insatisfaction, au même mode de relation, au même regard sur soi.
Par Zoé Piveteau, psychologue clinicienne
La société actuele prone énormement la volatilité du couple, et cela souvent au depend de la famille et des enfants …