The Substance : entre chair et psyché, Demi Moore perturbe, Coralie Fargeat frappe fort (Spoiler)
Ecrit par Nellyle 13 novembre 2024
Immergeons-nous dans The Substance, le dernier thriller d’horreur signé Coralie Fargeat, où la diva des années 80, Demi Moore, revient en force. Mais soyons honnêtes, la vraie question est : le film est-il à la hauteur de sa promesse viscérale, ou est-ce juste un enchaînement de jumpscares convenus ? Allez, on démonte le tout, scalpel […]
Immergeons-nous dans The Substance, le dernier thriller d’horreur signé Coralie Fargeat, où la diva des années 80, Demi Moore, revient en force. Mais soyons honnêtes, la vraie question est : le film est-il à la hauteur de sa promesse viscérale, ou est-ce juste un enchaînement de jumpscares convenus ? Allez, on démonte le tout, scalpel à la main.
Coralie Fargeat, réalisatrice française dont l’énergie rappelle celle d’un David Cronenberg sous acide, nous sert ici une fable viscérale où la chair et l’esprit se mêlent dans une danse grotesque. Après le succès de Revenge, son premier long-métrage, elle s’attaque à un tout autre registre. Là où Revenge jouait avec la catharsis féministe, The Substance s’aventure dans un terrain plus trouble, presque métaphysique. La substance en question ? Un liquide organique qui fait basculer ses personnages entre extase et terreur, entre transformation physique et éveil psychologique. Une chose est sûre, on n’en ressort pas indemne.
Demi Moore, l’éclat et l’effroi
Dans The Substance, Demi Moore incarne Elisabeth Sparkle, une star hollywoodienne vieillissante, autrefois animatrice d’une émission d’aérobic à succès. Le jour de ses 50 ans, elle est brutalement évincée de son poste par son producteur, Harvey, interprété par Dennis Quaid, qui la juge trop âgée pour continuer à attirer l’audience.
Déterminée à retrouver sa jeunesse et sa notoriété, Elisabeth se tourne vers une substance expérimentale qui promet de restaurer sa vitalité. Cette décision la conduit à une transformation physique radicale, mais les effets secondaires inattendus plongent son existence dans le chaos. Le film explore ainsi les thèmes de l’obsession de la jeunesse, de la pression sociétale sur l’apparence et des conséquences de la quête de perfection.
Et là, Fargeat ne fait pas dans la dentelle. Elle pousse son actrice dans des recoins d’émotions rarement explorés. Moore livre une performance qui oscille entre froideur clinique et vulnérabilité crue, un mélange parfait pour un film qui joue avec les limites de la psyché humaine. Mais on se demande : Moore est-elle en train de réinventer sa carrière ou simplement de surfer sur la vague des actrices légendaires qui reviennent dans des films de genre pour nous terrifier ? Quoi qu’il en soit, elle brille, même dans les scènes les plus glaçantes.
Dès les premières minutes de The Substance, Coralie Fargeat nous plonge dans une atmosphère oppressante, où chaque détail visuel semble avoir été méticuleusement pensé pour provoquer un malaise subtil mais persistant. Et d’entrée de jeu, impossible de ne pas remarquer un clin d’œil audacieux au maître de l’horreur, Stanley Kubrick. Le tapis orange et rouge qui s’étend à perte de vue dans le couloir interminable du studio rappelle immédiatement celui de l’hôtel Overlook dans The Shining.
Ce choix visuel n’est pas anodin. Dans The Shining, ces motifs géométriques hypnotiques servaient à amplifier la tension et à désorienter le spectateur, créant un environnement où l’esprit, comme le corps, perdait pied. Fargeat s’approprie ici cette esthétique pour installer un sentiment de confinement et de paranoïa dès le départ. On est à la fois attiré et repoussé par cet espace, comme si chaque pas dans ce couloir nous rapprochait inexorablement d’une vérité qu’on préfère ignorer.
Special mention pour une scène marquante (spoiler) mettant en avant le personnage d’Elisabeth Sparkle, interprété par Demi Moore, alors qu’elle prépare des plats français à base de viande, notamment du boudin et de la volaille. Cette séquence horrifique, décrite comme « invraisemblable » et « gratinée », devient un véritable ballet macabre où la préparation des plats évoque un parallèle troublant avec les viscères. Chaque morceau de viande, chaque geste précis d’Elisabeth, semble symboliser une lutte désespérée contre la désintégration de son propre corps.
Un thriller sous haute tension
Sur le plan technique, Fargeat fait des merveilles. La mise en scène est léchée, presque chirurgicale, avec des cadrages qui rappellent l’esthétique clinique d’un Yorgos Lanthimos. Chaque scène est pensée pour mettre le spectateur mal à l’aise, que ce soit par des plans serrés sur les visages ou des angles improbables qui donnent l’impression d’être emprisonné aux côtés des personnages. La photographie, est saturée de rouges profonds et de noirs abyssaux, renforçant l’aspect organique et perturbant de l’histoire.
Mais ce qui frappe le plus, c’est le sound design. Une véritable symphonie de murmures, de grincements et de battements cardiaques qui s’infiltrent sous la peau. Ici, le silence n’est jamais synonyme de répit, il est chargé d’une tension qui précède l’inévitable. Et cela soulève une question : pourquoi diable nos nerfs sont-ils toujours les premiers à lâcher dans ce genre de film ? Probablement parce que Fargeat sait exactement où appuyer pour provoquer une réponse viscérale. Elle joue avec nos peurs primaires, celles qui ne s’expliquent pas mais qui se ressentent dans chaque fibre de notre corps.
Margaret Qualley : l’héritage McDowell
Face à Moore, Margaret Qualley, la fille d’Andie MacDowell, incarne Sue, une jeune scientifique pleine d’ambition. Qualley, avec sa beauté naturelle et son talent indéniable, est une étoile montante du cinéma. Mais elle aussi est déjà prise dans l’engrenage des attentes : toujours parfaite, toujours « naturelle », mais jamais trop éloignée des standards imposés. Dans The Substance, son personnage symbolise cette jeunesse en quête de perfection, prête à tout pour repousser ses limites. Et comme sa partenaire de jeu, Qualley livre une performance saisissante, jouant avec cette frontière fragile entre fragilité et puissance.
Le duo Moore-Qualley est l’un des points forts du film. Leurs scènes communes sont électrisantes, révélant une relation complexe de mentorat et de rivalité. Margot représente ce que pourrait devenir Sue : une femme consumée par son ambition, prête à se perdre dans une quête insatiable. Fargeat filme cette dynamique avec une précision clinique, soulignant les contrastes entre les deux actrices. Moore, avec son expérience et sa maîtrise, offre un contrepoint parfait à la fougue et à la fraîcheur de Qualley.
Bain de sang, perte des dents, monstre grotesque, créature(s) de foire : comment interpréter la fin ?
The Substance culmine dans un affrontement viscéral entre Sue (Margaret Qualley) et Elisabeth (Demi Moore), dans une mare de sang évoquant l’iconique bal de Carrie. Ce combat, qui semble d’abord une victoire cathartique pour Sue, vire rapidement au cauchemar lorsqu’elle commence à perdre ses dents, un symbole de la dégradation irréversible. Les dents, associées à la vitalité et à la jeunesse, tombent brutalement, marquant le point où Sue abandonne toute illusion de contrôle sur son corps, désormais soumis à la puissance destructrice de la substance. Ce détail graphique devient une métaphore poignante de la fragilité humaine face aux pressions sociétales : même la jeunesse, idéalisée comme invincible, n’échappe pas à l’effondrement. Sue a vaincu Elisabeth, mais cette victoire est amèrement teintée de défaite, car elle en ressort brisée, physiquement et psychologiquement. La perte de ses dents incarne une perte d’identité et d’innocence, illustrant que la survie dans un monde obsédé par l’apparence peut coûter bien plus que ce qu’on est prêt à sacrifier.
Le film ne s’arrête pas là. Dans un dernier acte glaçant, Sue, métamorphosée en un monstre grotesque, revient sur scène, plongeant cette fois tout le public dans une mare de sang, transformant l’audience en participants involontaires d’un rituel grotesque. Ce miroir à l’affrontement initial souligne la contamination collective de cette quête de perfection. Le sang, omniprésent, devient le symbole ultime d’une destruction partagée. La transformation finale de Sue est un avertissement brutal : en poursuivant des standards impossibles, on risque de se déshumaniser totalement, perdant son essence et son humanité. La véritable horreur du film réside dans cette lente déchéance, où Sue, autrefois admirée pour sa beauté, devient un symbole tragique des dangers de l’obsession pour l’idéal physique. The Substance offre ainsi une réflexion amère sur les sacrifices consentis au nom de la perfection et les séquelles irréversibles qu’ils laissent, interrogeant jusqu’où la société est prête à aller dans cette quête destructrice.
Entre body horror et critique sociétale
The Substance n’est pas seulement un spectacle horrifique. Il s’inscrit dans la grande tradition du body horror à la Cronenberg. Mais là où Cronenberg se contente souvent de disséquer les relations entre le corps et la technologie, Fargeat va plus loin en explorant notre dépendance à la performance. Margot, comme les autres personnages, est prisonnière d’un système qui exige perfection et rendement, quitte à sacrifier son humanité. La substance devient alors une métaphore puissante : un remède qui promet de transcender nos limites, mais à quel prix ?
C’est là que le film frappe fort. Fargeat nous force à regarder en face les conséquences d’une société obsédée par l’amélioration constante. Et vous, jusqu’où iriez-vous pour être la meilleure version de vous-même ? La question reste en suspens, mais l’angoisse qu’elle génère persiste bien après le générique de fin. En clair, si vous pensiez ressortir du cinéma en sifflotant, c’est raté. Vous risquez plutôt de passer la nuit à inspecter chaque ride et chaque défaut dans le miroir.
La nudité crue
Dans The Substance, Coralie Fargeat utilise des scènes de nudité explicite pour explorer les thèmes de la transformation corporelle et de la déshumanisation. Ces séquences, souvent crues et presque anatomiques, ne sont pas gratuites ; elles servent à illustrer la métamorphose physique et psychologique des personnages, notamment celui incarné par Demi Moore. La réalisatrice a collaboré étroitement avec les acteurs pour s’assurer que ces scènes étaient justifiées et contribuaient à la narration.
Les effets spéciaux et les prothèses jouent un rôle crucial dans ces transformations, offrant une représentation visuelle saisissante des changements corporels. Cette approche rappelle le travail de David Cronenberg, où le corps devient le terrain d’exploration des peurs et des obsessions humaines. Les scènes de nudité dans The Substance sont donc essentielles pour comprendre la profondeur des thèmes abordés et l’évolution des personnages.
Fargeat semble également utiliser ces scènes pour critiquer la pornographie « ambiante » qui s’infiltre dans les médias, la télévision et le cinéma. Dans un monde où la nudité est trop souvent banalisée, voire fétichisée, elle choisit d’en faire un élément dérangeant, presque inconfortable, pour amener le spectateur à réfléchir sur la manière dont les corps sont exploités et consommés dans la culture visuelle actuelle. Ici, la nudité choque non pas par son exposition, mais par ce qu’elle révèle : une société obsédée par l’apparence et le contrôle, où même l’intime devient un spectacle.
Le film d’horreur, un espace d’expérimentation féminine ?
Ce n’est pas un secret, le cinéma d’horreur est en pleine mutation. Longtemps perçu comme un genre marginal, il est aujourd’hui le terrain d’expérimentation de nombreuses réalisatrices qui, comme Fargeat, y voient une opportunité de subvertir les codes. Avec The Substance, elle rejoint des figures comme Julia Ducournau (Titane) ou Jennifer Kent (The Babadook), qui utilisent l’horreur pour explorer des thématiques profondément féminines. On est loin des scream queens des années 80, et franchement, qui s’en plaindrait ?
Ce n’est pas juste un film. C’est une déclaration, un acte de résistance contre une industrie qui a trop longtemps cantonné les femmes à des rôles stéréotypés. Et, dans un monde où chaque nouveau film doit surpasser le précédent en termes de gore et de chocs visuels, Fargeat parvient à se démarquer en offrant une œuvre à la fois viscérale et intellectuelle.
Et alors, on regarde ou pas ?
La réponse est un grand oui, mais avec une mise en garde : ce n’est pas un film pour les âmes sensibles. Fargeat ne nous prend pas par la main, elle nous pousse dans l’abîme. Et Demi Moore, dans l’un de ses rôles les plus audacieux à ce jour, nous rappelle pourquoi elle est l’une des grandes dames du cinéma. Si vous cherchez un film qui vous secoue, vous dérange et vous fait réfléchir, The Substance est fait pour vous. Ce film est une expérience, une plongée dans l’inconnu. Et vous, êtes-vous prêts à affronter la substance ?