Loi IVG 2023 : tout savoir sur l’IVG dans la Constitution
Ecrit par Marylinle 12 avril 2024
Le 4 mars 2024, la France inscrit le droit à IVG dans sa Constitution. Une première mondiale ! Dans un monde où les droits des femmes ne sont jamais acquis, ce symbole aura fait couler beaucoup d’encres. Que va changer l’inscription de l’IVG dans la Constitution, l’interruption volontaire de grossesse était déjà un droit acquis dans notre […]
Le 4 mars 2024, la France inscrit le droit à IVG dans sa Constitution. Une première mondiale ! Dans un monde où les droits des femmes ne sont jamais acquis, ce symbole aura fait couler beaucoup d’encres. Que va changer l’inscription de l’IVG dans la Constitution, l’interruption volontaire de grossesse était déjà un droit acquis dans notre pays ?
IVG dans la Constitution : un long fleuve tranquille ?
Cet événement majeur a été célébré lors d’une cérémonie le 8 mars 2024, au cours de la Journée internationale pour les droits des femmes. L’inscription de l’IVG dans la Constitution fait suite au projet de loi présenté en décembre 2023 au Conseil des ministres par la Première ministre de l’époque, Elizabeth Borne.
Lier par la Constitution l’IVG et sa réglementation n’a pas été un long fleuve tranquille : il y a eu pas moins de 6 propositions de loi depuis le mois de juin 2022 !
Enfin, le 14 janvier 2024, l’inscription de l’IVG dans la Constitution est adoptée par l’Assemblée Nationale à 493 voix contre 30. La dernière étape, la plus délicate, fut son passage au Parlement : vote favorable à 267 voix contre 50.
Constitution et IVG : qu’est-ce que ça change ?
En France, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est légale depuis 1975, la fameuse Loi Veil. Ainsi, chaque femme en France est libre d’y avoir recours.
Mais en 2022, la Cour suprême américaine a annulé l’arrêt Rowe vs Wade de 1973 qui garantissait ce droit aux femmes américaines. La conséquence ? Tous les états souhaitent enlever ce droit aux femmes pouvaient le faire ! Ce qui a mis en lumière que les lois ne garantissaient le droit à l’avortement que tant qu’elles étaient en vigueur. Et qu’il suffisait de bien peu de choses pour changer ce statut.
Inscrire l’IVG dans la Constitution, à l’article 34 précisément, garantit ce droit plus sûrement qu’une simple loi. Le caractère fondamental de cette liberté est réaffirmé, le plaçant au titre de liberté constitutionnelle. Imaginer qu’un gouvernement antiavortement décide de faire passer une loi qui viendrait supprimer ce droit ou l’altérer jusqu’à le rendre inexistant (n’allez pas chercher bien loin, les droits des femmes sont si fragiles). Si l’avortement n’est encadré que par une loi, c’est possible. Une loi en remplace une autre et le tour est joué. Un tel retour en arrière nous semblait impensable et digne d’une série dystopique… Mais il n’y a qu’à repenser aux événements survenus aux États-Unis pour réaliser que non, rien n’est jamais garanti.
Intégrer l’IVG dans la Constitution, c’est passer au niveau au-dessus. La Constitution est en effet la norme suprême en France, celle qui peut censurer une loi qui contrevient aux libertés garanties par la Constitution. Tout texte qui viendrait entraver cette liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse pourrait être considéré comme anticonstitutionnel. Et donc ne pas passer.
L’article 34 de la Constitution de 1958 protège donc le droit à l’avortement. Tout ce qui a trait aux modalités d’exercice de ce droit (prise en charge, remboursement, délais, etc.) relève en revanche toujours de la loi.
Petite histoire du droit à l’interruption volontaire de grossesse en France
Les droits des femmes sont le parent pauvre de l’histoire, et le droit à l’avortement en est la preuve. Jusqu’en 1967, la pilule contraceptive n’était même pas autorisée en France ! 1967 ! Hier, quoi…
Étudions rapidement la chronologie du droit à l’interruption volontaire de grossesse en France, qui a contribué (lentement mais sûrement) à l’inscription de l’IVG dans la Constitution :
- 1967, la loi Neuwirth autorise la pilule contraceptive
- 1971, le « manifeste des 343 » rédigé par Simone de Beauvoir paraît dans le Nouvel Observateur. Il réunit les signatures de 343 femmes (plus que ça en réalité, mais seuls 343 noms ont été retenus pour la publication) clamant haut et fort avoir eu recours à l’avortement
- 1972, l’avocate Gisèle Halimi défend et fait acquitter une jeune fille mineure ayant avorté après avoir été victime d’un viol. Surnommé le procès de Bobigny, c’est un des piliers de l’avancée dans les droits des femmes.
- 1974 et 1975, la ministre de la Santé Simone Veil porte le projet de dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse. La loi Veil entrera en vigueur en janvier 1975.
Depuis, en France, plusieurs lois sont venues renforcer ce droit en élargissant le cadre de sa prise en charge :
- 2001 : le délai légal pour avorter passe de 10 à 12 semaines
- 2014 : la notion de détresse qui conditionnait jusque-là le recours à l’interruption volontaire de grossesse est supprimée
- 2016 : les sages-femmes sont autorisées à pratiquer les IVG médicamenteuses, et l’avortement est pris en charge intégralement par l’Assurance Maladie
- 2022 : le délai légal pour avorter passe à 14 semaines, et le délai de réflexion imposé est supprimé
- 2024 : Dans la Constitution, l’IVG devient un droit garanti
Constitution et IVG, le résumé
L’inscription de l’IVG dans la Constitution ne change en réalité pas grand-chose au droit actuel en France, mais représente une garantie. S’il est autorisé dans tous les pays d’Europe, les conditions d’accès sont parfois si draconiennes que le droit n’est que théorique : en Pologne, seules les femmes dont la vie est mise en danger par une grossesse peuvent y avoir recours, en Autriche il coûte une fortune, etc. Retenez que chaque année, dans le monde, ce sont plus de 40 000 femmes qui meurent des suites d’avortements clandestins ! L’interdiction n’empêche pas l’avortement, elle augmente simplement le risque de mortalité.