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La nana du mois, NaIma FIDL, lauréate du prix international Terre de Femmes

Ecrit par Marie TERRY
le 26 mars 2013

En mars, le mois de la journée de la femme, TDN aime mettre à l'honneur une femme qui s'engage dans un combat.

Beaucoup de femmes auraient pu être notre nana du mois car de nombreuses femmes s'engagent pour mener des combats sociétaux, écologistes, politiques, des projets souvent fous et toujours de belles histoires de femmes qui veulent changer le monde.

Car comme a dit très simplement dans un sourire apaisé mais déterminé Peggy Pascal (prix « Terre de Femmes » France) : »Il ne faut pas se dire de toute façon on ne peut pas changer le monde, car on peut. »

Peggy aurait pu aussi être notre nana du mois ! Elle est la lauréate France grâce à son « it bag » potager en jute, pratique et fertile, concept développé dans les bidonvilles de Nairobi (Kenya) en 2008 alors qu’elle travaillait pour l’ONG Solidarités International.

Naïma, notre Nana du Mois quant à elle a reçu le prix international « Terre de femmes » Fondation Yves Rocher, sous l'égide de l’institut de France et distingue son pays, le Maroc, de ce très beau prix.

Pourquoi Elle ?

Son engagement nous a beaucoup touchées car elle oeuvre dans un pays, certes magnifique, le Maroc, mais où les femmes doivent encore franchir des barrières pour arriver à réaliser de beaux projets.

En plus, son histoire est belle, parle de roses, qui entrainent dans leur sillage d'autres femmes.

TDN : Qui est Naïma ?

Naima est une femme originaire de la célèbre vallée de Dadès, née à Ait Majber. Mais comme elle le dit elle même, elle a eu la chance de partir de son village suivant son père,fonctionnaire, qui partait travailler à Marrakech où elle a pu, elle, étudier.

Naïma : « Les femmes du village n’ont jamais été autorisées à aller plus loin que le primaire, car à partir d’un certain âge, elles étaient obligées de rester à la maison, se marier et obéir à leurs maris, leurs frères ou leurs pères. J’ai toujours eu conscience de ma chance. J’ai eu la possibilité de faire des études et de m’émanciper. »

Car outre les 300 Km qui séparent ce village et la ville, c'est toute une autre façon de vivre, de voir les choses qui font de cette expérience unique, une richesse pour elle. Elle devient docteur en sciences et mène une brillante carrière au laboratoire des analyses cliniques du CHU de Marrakech. Mais elle fait profiter cette richesse, SA richesse, aux autres femmes de son village qu'elle n'a pas oubliées et revient sur ses terres pour les associer à un projet.

Naïma : « Je suis toujours retournée au village pour les vacances et en voyant ces femmes, les voisines, les amies, mes cousines ou mes tantes je me suis toujours dit que j’aurais pu être à leur place et subir la vie d’une femme rurale, sans voix, sans droit et sans ressource. »

TDN : Alors, comment « germe » le projet ?

Elle comprend très bien qu'il faut s’attaquer au  problème à la racine : l’économie et le travail des femmes car elle sait qu'au Maroc, les femmes sont les piliers de la famille et de la société. Il est essentiel de les soutenir. 

Naïma : « Plutôt que de faire de l’humanitaire, j’ai pensé qu’il serait plus efficace de donner aux femmes les moyens de leur subsistance. »

Elle mène donc une action de féminisme tranquille sans bousculer les hommes ou les traditions, elle sait aussi cela.

TDN : et concrètement, comment nait votre association ?

En 2005, Naima crée et préside l’association féminine pour le développement de la famille (afdf) pour permettre aux femmes de subvenir à leurs besoins et ceux de leurs enfants grâce à la culture, la récolte de ce qui se trouve  dans le village, sur place, et par chance, ce sont des roses.

Naïma : « Tout ce que nous avons fait c’est leur faire prendre conscience de la richesse de ce produit du terroir qu’elles ont sous la main. »

La vallée de Dades est le troisième pôle mondial de culture de roses après la Turquie et la Bulgarie. L’objectif affiché est aussi économique qu’écologique puisque planter des rosiers préserve et enrichit la terre, protège la dégradation des sols en pentes typiques de la vallée, prévenant ainsi les glissements de terrain lors des saisons des pluies.

Elle est soutenue par le gouvernement mais doit se battre pour que les hommes permettent aux femmes de sortir de chez elles et ainsi venir récolter les roses.

TDN : Parlez nous des ces roses. Sont-elles belles…?

Les roses ne sont pas belles et pourtant, c'est NaÏma qui l'a dit et pourtant, elles vont rendre la vie de ces femmes plus belle.

Naïma : « La qualité des fleurs produites à Ait Majber est unique grâce à la terre particulièrement riche en potassium, calcium et azote mais aussi grâce à ce climat semi-aride idéal pour nos roses qui sont exceptionnelles ! Nous exportons notre précieux élixir essentiellement pour l’industrie cosmétique et partout dans le monde en Amérique, en France, en Tunisie mais aussi au Maroc où le produit est proposé dans des magasins de commerce équitable. »

Les vertus des roses sont irremplaçables ce qui en fait l’huile essentielle la plus chère au monde. L'eau de rose est le meilleur anti-rides. (Testé et approuvé par la rédac!) 

Mais la concurrence est rude. Grâce à l’extraction artisanale de l’essence de rose et à sa distillerie, les femmes d’Ait Majber ont pu résister aux usines alentours qui achetaient les roses à prix dérisoire. Elles maitrisent dorénavant la transformation du produit, imposent leurs règles et leurs prix de vente. Depuis 2005 les femmes du village ont multiplié par trois le prix de vente de l’eau de rose.

Naïma : « Elles ont dorénavant un salaire décent, des machines à laver et la possibilité de se déplacer. Elles se rendent à des réunions, des salons professionnels… Elles se sont imposées face à leurs maris et ont compris qu’elles aussi avaient le droit d’exister. »

TDN : Combien sont-elles aujourd'hui ?

42 femmes donc 42 familles vivent de « roses et de travail« . Mais là aussi, c'est plus que cette simple constatation, plus que des revenus financiers.

Ce sont des hommes (maris, fils…) qui ont pris conscience du pouvoir de leurs femmes, de leurs mères qui peuvent travailler, valoriser des richesses et en vivre. C’est un affranchissement pour elles et pour leurs filles. Les femmes se retrouvent entre elles autour d'un projet professionnel.

TDN : Justement Naïma, Quelles valeurs souhaitez-vous transmettre à vos enfants?

Naïma a 2 filles et 2 garçons de 15 à 3 ans.

Naïma : « Je souhaite leur apprendre à donner sans attendre en échange, à vivre leur vie en militant pour améliorer celle des moins favorisés, à aider toutes les fois qu’ils peuvent et à essayer avec persévérance quand ils ne le peuvent pas parce que à la fin ils y arriveront ! »

TDN : Avez-vous une anecdote dans votre parcours?

Je vous la livre telle quelle et promettez moi de la LIRE jusqu'au bout.

Naïma : « Oh oui, des dizaines ! Mais la plus ingénieuse est la suivante :

Deux années après la création de notre association, j’ai réalisé qu’on devait avoir un coordinateur homme, nous avions choisi un homme instruit qui vivait dans un autre village avoisinant pour nous faciliter la tache puisque ce sont les hommes qui gèrent tout dans notre région (administrations, projets….) et pour accompagner nos adhérées chaque fois qu’un déplacement s’impose, bref notre coordinateur a travaillé avec nous pendant deux années et il est parti à la Mecque pour le pèlerinage.

A son retour, j’étais allée le voir pour lui présenter mes félicitations, en parlant il m’a dit qu’il a emmené sa bicyclette avec lui, j’ai répondu que c’est bizarre ça a du lui coûté une fortune en avion et que je n’avais jamais rencontré quelqu’un qui roulait à bicyclette à la Mecque puisque j’y suis allée aussi. Il m’a répondu : tu est naïve, ma bicyclette c’est ma femme je l’ai emmenée avec moi à la Mecque.

J’ai répondu, choquée les larmes aux yeux et mal au cœur (j’ai réalisé qu’il qualifié sa femme de bicyclette parce que dans sa tête malade elles ont le même usage) : tu n’es plus coordinateur de l’association, notre contrat prend fin aujourd’hui ! Et il a eu le culot de me demander pourquoi et j’ai répondu avec sang froid, tu nous as arnaquées pendant deux années, tu étais au service d’une association de femmes alors que tu ne faisais pas la différence entre la femme et la bicyclette.

Après, quand j’ai voulu cherché un autre coordinateur,il devait nous dire pour lui ce que la femme était, c’était l’unique critère de sélection pour avoir ce poste, ni diplômes ni grades ne comptaient plus pour nous.

Notre coordinateur actuel a dit que pour lui: La femme est un noyer. En Été, elle nous protège du soleil en étalant son ombre partout, en hiver, elle jette toutes ses feuilles pour laisser pénétrer le soleil. »

Que rajouter à cela ? Peut être juste la dernière question que je pose à toutes mes nanas du mois… ?

TDN: Qu'avez-vous envie de dire aux lectrices de TDN qui vont vous lire ?

Naîma : « Il faut toujours avoir un rêve et il faut surtout travailler pour le réaliser. »

Chez TDN, on aime rencontrer ces femmes exceptionnelles et en même temps si accessibles et simples.

De vous à moi, si vous passez par là bas, allez dire bonjour à Naima et elle vous accueillera avec des gâteaux. Car elle a un secret que j'ai percé et que je vous livre…

Naïma: « Moi lorsque j'ai beaucoup de travail et c'est dans la majorité du temps, il n'y a que les gâteaux qui me relancent ! »

Un grand merci à Naïma pour sa gentillesse et un grand bravo pour son prix amplement mérité.

Par Marie TERRY

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