A l’occasion de Mince Alors ! au cinéma, entretien avec Catherine Hosmalin
Ecrit par Justine Andansonle 13 mars 2012
De tout temps, la beauté des corps a été recherchée. Elle est indissociable de la rareté. En effet, dès que le plus grand nombre partage le même critère esthétique, celui-ci devient moins désirable. « Ce qui est rare est beau », cela explique pourquoi les critères esthétiques sont si restrictifs, pour qu’un nombre infime, une élite puisse être concernée.
Depuis la pré-histoire, les femmes grasses succèdent aux graciles et inversement. Ainsi dans les sociétés qui ont connu la disette voire la famine, ce sont les corps gras et volumineux qui sont valorisés, comme signes de richesse, de pouvoir et de descendance prometteuse. Les hommes et surtout les femmes bien portants voire obèses viennent contraster avec les travailleurs des champs aux corps secs et musclés. Depuis l’après-guerre dans les sociétés occidentales, maintenant que la nourriture est abondante et que tout le monde peut manger à sa faim, c’est la minceur qui est idéalisée car elle devient alors un signe de différenciation. Le modèle n’est plus la femme en chair, mère de famille, mais la femme émancipée, travailleuse et filiforme.
Au regard de ces changements multiples, à travers le temps et les cultures, il semble que le dénominateur commun à ces canons de beauté soit le contrôle de soi et le regard de l’autre. Avec notre connaissance de l’histoire et du monde, nous devrions pouvoir garder en tête toute la relativité de la beauté. Comprendre qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’être désirable et aimable. Car le danger des canons de beauté quand ils sont si exclusifs, est que les hommes et les femmes y perdent leur santé physique et psychique et parfois leur vie.
Les régimes minceurs existent depuis des millénaires. Selon une légende, il y a 2 000 ans, le roi de l'État de Chu préférait les gens minces… À la cour, certaines femmes se laissaient mourir de faim. Et aujourd’hui encore des mannequins meurent pour avoir privilégié leur taille 0.
On oublie trop vite ces femmes mauritaniennes, nigériennes… rendues obèses et souffrant, de diabète, d’hypertension, de douleurs articulatoires, car elles sont prêtes à tout pour « remplir leur voile ». Le gavage en Mauritanie est un problème de santé publique, puisque dans une continuité traditionnelle et parce que certaines familles ne peuvent pas investir dans l’éducation de leurs filles, elles les gavent au lait de chamelles sucré ou aux comprimés hormonaux pour animaux afin qu’elles atteignent une obésité leur assurant un mariage et donc un avenir social.
Et on ne pense pas à nous-mêmes, à la plupart des femmes et des hommes qui anéantissent l’image qu’ils ont d’eux-mêmes à coup de magazines people, de régimes multiples, de comparaisons aussi inlassables qu’incontrôlées avec des jeunes femmes du métro, de la plage, des cabines d’essayages…
Selon le docteur Susie Orbach, « le fait de passer 30 minutes à consulter un magazine de mode abaisse en effet l'estime de soi chez 80 % des jeunes filles« . Celles-ci se comparent à leurs idoles, et essayent de leur ressembler. Sauf que sur le papier glacé, les stars sont avant tout des personnes qui investissent des sommes énormes pour prendre soin de leur corps et de leur image, comme le résume avec humour l’article de Sarah Lemasson. Et l’on ne soupçonne pas le travail minutieux des infographistes pour retoucher les photographies publicitaires.
Avant de détruire la santé, la quête de la beauté absolue massacre le plaisir et la satisfaction. Qui ne s’est jamais auto-censuré, inhibé face à un plaisir certain par crainte de ne pas être sexy, mince ou d’être trop moche. Qui n’a jamais refusé d’aller à la piscine, à la plage, de danser et parfois même de faire l’amour ?
Comme Katia qui se confiait : « Mais si je fais l’amour avec lui, il va me voir, il va me toucher, il va se rendre compte que je suis grosse ! »
La vraie beauté ne se trouve pas dans la conformité aux images idéales retouchées ou figées sur papier glacé. La vraie beauté est dans le mouvement, dans l’allure, dans la réflexion, dans la manière que chacun a trouvé d’incarner son histoire et sa pensée. Et la beauté est dans la rencontre. Comment chacun s’épanouit dans l’intimité, dans l’art de donner et de recevoir. Enfin la beauté est dans le temps, comment chacun garde les traces de son parcours, riche de ce qui le rend unique.
C’est ainsi que Dove, qui a un marketing à contre-courant explique aux femmes l’importance de transmettre à leurs enfants que la séduction n’est pas la perfection et que l’on peut sans répondre aux normes esthétiques parvenir à troubler, à charmer, émouvoir et à être aimée.
C’est pour cela que TDN soutient la sortie du film Mince Alors! et les photos de la couv' de l'année dernière Vogue Italie. Car il est essentiel que différents corps, différentes beautés soient mises en lumière et soient médiatisées. Car la meilleur façon d’être belle, c’est d’être vous, d’apprendre à vous connaître, à vous mettre en valeur, à sublimer votre potentiel, et à penser qui vous êtes.
A cette occasion, nous avons eu la chance de pouvoir nous entretenir avec Catherine Hosmalin, qui entre le tournage de la saison 2 de Maison Close et la promotion de Mince Alors! a répondu avec gentillesse à nos questions.
Photographie de Jules Piveteau
Zoé Piveteau, psychologue clinicienne : Pensez-vous que votre travail de comédienne ait été entravé par votre poids ?
Catherine Hosmalin : C’est le manque de confiance en moi qui m’a le plus inhibé, dans ma vie comme dans mon travail d’actrice. Car c’est un métier où c’est essentiel d’avoir confiance en soi. D’ailleurs, je sens que c’est ce qui a changé ces dernières années. Je doute moins de moi-même et bien que je sois toujours grosse, j’ai plus de rôle et des rôles plus riches et plus significatifs.
Zoé Piveteau, psychologue clinicienne : Au-delà du plaisir que vous avez de retrouver Charlotte de Turckheim et celui de jouer la comédie, pourquoi avez-vous accepté ce rôle ?
Catherine Hosmalin : Parce que cela fait longtemps que j’ai envie de parler du poids et de la dépendance à la bouffe. Et puis parce que ce sujet est au cœur de nos conversations avec Charlotte. Et quand elle m’a proposé ce scénario, je me suis dit : « Allez, je fonce ! »
Zoé Piveteau, psychologue clinicienne : Qu’avez-vous envie de transmettre aux jeunes femmes qui ont de l’embonpoint ou qui ne sont pas satisfaites de leur physique et tout particulièrement aux lectrices de TDN ?
Catherine Hosmalin : c’est encore très compliqué pour moi de m’expliquer ce rapport à la bouffe. Mais j’ai envie de partager sincèrement l’histoire de ce personnage. Ce film donne l’occasion d’avoir un discours médiatique authentique sur le surpoids. Quelque soit sa morphologie et son image, l’essentiel est d’être dans la confiance en soi et en ses ressources. D’ailleurs dans le film, je fais le même poids du début jusqu’à la fin, mais mon personnage appréhende la vie différemment, elle renvoie alors aux gens une autre énergie, elle est différente, elle est canon même. Et tout le monde peut l’être, la différence se joue aussi à l’intérieur, dans l’amour de soi. Quand on est mal dans son corps, on va à l’opposé de soi, on essaye de se cacher, de l’éviter. Mais le bonheur est dans l’acceptation.
Zoé Piveteau, psychologue clinicienne : Avez-vous envie d’être mince ?
CH : En tout cas, j’ai envie d’être plus libre avec mon corps. Cela passe par un certain amaigrissement, mais pas forcément par la minceur. Je n’ai plus envie d’être mince.
ZP : Que pensez-vous de la proposition du Dr Dukan, à savoir instaurer une option « Poids Equilibre » au bac ? Le principe est d’attribuer des points aux élèves qui arrivent à maintenir un indice de masse corporelle compris entre 18 et 25.
CH : C’est une mauvaise idée ! Quand t’es ado et qui plus est avec un problème de poids, tu n’as pas besoin de ça ! Le seul truc bien chez Dukan, c’est l’esprit desintox, sevrage. Mais cette proposition, ça te met encore plus la tête dans le seau !
Toutes les méthodes d’amaigrissement apportent la même chose, à savoir de l’aide. Et quand on est gros, on a besoin d’aide, d’autant qu’on est renvoyé par la société à sa propre volonté. Comme si on était gros par désir. On entend souvent : « Il arrive pas à se mettre au régime. Elle a pas de volonté… » Cela te met dans un système de double peine. Non seulement t’es gros, t’es trop nul et en plus tu maigris pas parce que tu as pas de volonté.
ZP : L’idée du film, n’est pas de faire l’apologie du surpoids. Mais plutôt de s’accepter comme on est. C’est pourquoi, il est nécessaire, lorsque l’on veut s’engager dans une réduction de sa masse corporelle, de prendre en compte l’ensemble de sa personne, et de s’entourer d’un kiné, d’un psy et d’un nutritionniste.
CH : Comme toujours, si on veut juste maigrir sans comprendre sa relation à l’alimentation, c’est comme pédaler dans la semoule. Le problème est dans ce que représente la nourriture, comprendre à quoi elle sert pour soi. Les périodes où j’ai été plus mince, ce sont des périodes où j’ai reçu et accepté plus d’aide, et pour moi c’était un étayage affectif, comme lorsque j’ai fait Weight Watchers avec ma sœur ou un régime avec mon fils. En effet, je confondais la fierté de maigrir seule et sans aide extérieure avec la réussite. Et comme je ne maigrissais pas, ça finissait par m’isoler dans mon symptôme et mes difficultés.
Z : Avez-vous entendu parlé de Kirstie Alley, qui désespérée de ne plus avoir de rôle, à créer sa propre série : « Fat Actress » ?
CH : J’ai toujours été admirative de ces femmes ! Cela me rappelle Balasko. Elle est créative, et pour moi, c’est ça la solution. Il me semble qu’elle gère la confiance en elle. Elle n’a pas de rôle intéressant, elle crée « Les hommes préfèrent les grosses », elle devient réalisatrice. Charlotte de Turckheim aussi a cette dynamique. Au lieu d’être là à attendre, elles passent à l’action. Et moi, je me suis longtemps fourvoyée, j’ai voulu faire oublier mon physique et maintenant, je suis plus entière, je suis plus en accord, et donc, je travaille davantage. Et c’est aussi, ce qui se passe, dans le film. Emilie, mon personnage accepte de voir qui elle est.
ZP : Que pensez-vous des photos du Vogue italien mettant en couverture des mannequins grande taille ? Ou des choix marketing de Dove ?
CH : C’est super ! Mais quand j’ai voulu faire des photos pour les magazines, les grandes marques arrêtent de fabriquer leurs vêtements Presse au 48, et encore pas toutes. Si je veux faire des photos, la plupart du temps, il faut aller les acheter en boutique. Donc, je porte tous le temps mes affaires !
ZP : Avez-vous une anecdote à ce sujet ?
CH : Oui, en général, les costumières demandent les tailles par téléphone, et une fois l’une d’entre elles en entendant ma réponse, s’est exclamé : « Ouh ! Ohlalalalala… » d’un air « comment je vais faire pour trouver des fringues ? » !
ZP : Quelle scène avez-vous aimé le plus jouer ?
CH : Dans Mince Alors!, j'ai bien aimé le relooking parce que le personnage accepte d’être au centre. La scène qui m’émeut le plus, c’est celle où Emilie attend la masseuse, et que c’est un homme qui arrive. C’est l’écart entre le personnage qui fanfaronne tous le temps et ce moment où elle est démunie, qui est passionnant. Sinon de manière générale, j’adore le travail que j’ai fait, que ce soit dans Maison Close, 15 Août ou Tellement Proches.
Catherine dans Maison Close.
ZP : Qu’aimeriez-vous jouer ?
CH : J’aimerais jouer un flic, un justicier avec un flingue.
ZP : Lacan qui est un grand psychanalyste, demandait à ses disciples de réfléchir, à ce qu’ils faisaient quand ils faisaient de l’analyse. A mon tour, je vous demande : que faites vous quand vous jouez la comédie ?
CH : Je demande aux autres de m’aimer !
Retrouvez l'actrice Catherine Hosmalin sur sa page Facebook et regardez la bande annonce de Mince Alors !
La bande-annonce du film « Mince alors ! » par puremedias
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Par Zoé Piveteau
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