Charlotte

La nana du mois de Mai : Charlotte Fredouille, elle fait ce qu’il lui plait

Ecrit par Marie TERRY
le 27 mai 2011

Oui, mais pour les autres et pour notre terre dans un pays dont le nom fait rêver  Bali.Mais elle a vu l’envers de ce décor et a décidé de combattre tout ce qui  nuit à ce bel endroit, aux habitants qui vivent de leur terre , aux pêcheurs qui vivent des rivières en s’attaquant aux […]

Oui, mais pour les autres et pour notre terre dans un pays dont le nom fait rêver  Bali.Mais elle a vu l’envers de ce décor et a décidé de combattre tout ce qui  nuit à ce bel endroit, aux habitants qui vivent de leur terre , aux pêcheurs qui vivent des rivières en s’attaquant aux déchets jetés ça et là dans une vraie politique de sensibilisation.

Pourquoi c’est elle notre nana du mois ?

Parce qu’en 2011, TDN a choisi de vous livrer des résolutions et de faire des portraits de nanas en corrélation avec ces résolutions.

Vous vous souvenez de la résolution de MAI : « En mai, fais ce qu’il te plait ». On a choisi Charlotte car elle a mis une autre dimension dans ce qui lui plait,

elle a mis un changement de vie et un engagement pour la planète.

C’est elle qui en parle le mieux : « Changer de vie, c’est décider qu’on va faire ce qui nous convient. On décide de choisir ce qui nous correspond et qui ne va être dicté par aucun diktat de la société ou de notre éducation ou de notre entourage. Et on décide cela seule car on est seule face à cette prise en main de notre vie. C’est un bond vers l’inconnu, un grand gouffre et on ne sait pas ce qu’on va trouver au bout… En fait c’est se faire confiance et faire confiance à son instinct. C’est une vrai prise de pouvoir sur sa vie.

Charlotte sous entend « Ce qui me plait EST ce qui me convient ».

Elle a 32 ans, un DESS de médiation et ingénierie culturelle qui pouvait lui faire prétendre à de nombreux postes dans le domaine de la culture.

Mais elle en a décidé autrement, c’est son histoire… et il me plait qu’elle la raconte, elle.

En 2008, après une mission humanitaire auprès d’enfants démunis au Népal, je visite l’Indonésie et me retrouve dans l’est de l’île de Bali, à Amed, région sèche et sauvage mais connue de quelques touristes passionnés de fonds marins.J’y rencontre des familles, visite des villages et m’installe 3 mois dans un village, partageant le quotidien des habitants et apprenant à les connaître. Pendant ces quelques mois, de plus en plus enrichie par les échanges avec la population et leur rapport à la nature, je commence à réaliser que cet équilibre fragile est très menacé.

Après une période euphorique de découverte, mon regard s’est porté plus en détail sur l’environnement. Le constat est alors dramatique : des déchets partout,
sur les plages, dans les lits des rivières et au sein même des villages. Loin des hôtels propres et paradisiaques, la nature est en danger et la santé des habitants
aussi. Cette pollution n’épargne aucune région de Bali : les villes, les régions rurales, les côtes, les villages de montagne…Les sacs plastiques submergent les chemins et les rues, surtout celles adjacentes aux marchés.

Bien que le plastique soit d’une importance capitale pour le développement, la société balinaise est mal préparée à l’introduction de ce matériau dans son mode de consommation et il n’existe pas de système de ramassage des déchets ménagers dans les campagnes.

Guidée par la nécessité d’agir, j’ai fondé l’Association Peduli Alam et démarché pour trouver des financements. Le premier projet de l’association a pris forme en 6 mois.

Et c’est comme cela que l’Association Peduli Alam nait.En indonésien, Peduli Alam veut dire « prendre soin de la nature ».

C ‘est une association de protection de l’environnement spécialisée dans la collecte des déchets ménagers et la prévention des dangers causés par le rejet des ordures dans la nature.

La nature balinaise, si riche et si belle, souffre de la consommation intensive du plastique, et les habitants, en majeure partie des villageois (pêcheurs et agriculteurs), n’en connaissent pas les conséquences. Hors des villes et des zones touristiques (qui ne représentent que 10% de l’île), aucun système de ramassage des ordures n’existe.

L’objectif de Peduli Alam est d’aider ces villageois à prendre conscience de l’impact sur la nature et la santé, de l’incinération ou du rejet des déchets
dans la nature, les rivières et la mer
. Et ce, en apportant des solutions simples et faciles d’accès.

Pourquoi ce choix, Charlotte ?

J’ai vraiment ressenti le désir de réaliser ce projet, et j’ai décidé d’aller jusqu’au bout parce que je sentais vraiment que cela pouvait marcher. C’est une passion qui est née là-bas sur le terrain en constatant à quel point on peut détruire son environnement sans s’en rendre compte. Ce choix un peu fou de tout quitter pour réaliser un projet qui me tenait à cœur, je l’ai fait, j’ai trouvé le courage de partir de rien avec pour seule motivation la volonté de réussir le pari.

Elle a osé bousculer et faire ce qui lui plaisait.

Comment a réagi votre entourage ?

Tout le monde a bien réagi, pensant que cela durerait quelques mois, cela fait deux ans…  Ils ont fini par émettre des doutes quand à l’avenir auquel cela me préparait : pas de retraite, pas de vie dans la norme etc…

Oui, il faut savoir que faire ce qui nous plait peut entrainer des difficultés, le plaisir peut aussi être atteint dans la difficulté. 

Puis le prix Yves Rocher est venu effacer ces doutes, ils ont compris à quel point cela enrichissait ma vie et à quel point cela avait du sens pour moi. J’ai beaucoup de chance, je suis très encouragée même si ce n’est pas toujours facile à assumer comme choix.

Nous avons en effet eu la chance de rencontrer Charlotte le jour de la journée de la Femme, le 8 mars 2011, à Paris car elle est venue chercher le second prix que la Fondation Yves Rocher lui a attribué dans le cadre du Prix Terre des Femmes, un prix qui récompense les femmes qui s’engagent pour la terre.L’année 2011 est riche pour la Fondation Yves Rocher qui fête ses 20 ans et les  10 ans de ce prix.

Elle était heureuse de son prix car il devait effacer les doutes qui doivent surgir à certains moments,les interrogations du bon choix de vie.

Avez-vous des regrets ?

Jamais. Mais j’ai parfois eu peur d’échouer et dans ces moments-là je me demandais si finalement une vie rangée n’était pas plus apaisante parce que beaucoup d’inquiétudes accompagnent  la mise en place d’un tel projet.
Beaucoup d’inquiétude mais aussi beaucoup de bonheur quand on voit les choses prendre forme.

Quels sont les plus et les moins d’une telle décision ?

Le plus de cette décision c’est que je me suis réalisée moi-même dans ce projet, je n’obéis à aucune loi qui ne me correspond pas.  (je vous l’avais dit)
Choisir sa vie c’est la réussir. J’ai aussi la chance de rencontrer des personnes formidables, parce que tous ceux qui soutiennent le projet et s’y intéressent sont
toujours des gens sensibles et passionnants.

Les moins… On est tout seul dans sa décision, il faut parfois faire face à soi-même et se demander si on est sur la bonne voie. Pas de sécurité. Pas d’assurance d’avoir un avenir confortable… et puis loin des siens, de sa famille et de ses amis c’est parfois pesant. Je voudrais pouvoir concilier les deux mondes…

Que diriez-vous aux nanas qui vous liront ?

Que nous avons la chance de vivre dans un pays et une époque qui permet aux femmes de se réaliser, ce qui n’était pas le cas de nos grands-mères, et ce qui n’est certainement pas le cas de la plupart des femmes sur cette planète…  Alors savourez cette chance et réalisez vous, réalisez vos rêves et exprimez ce que vous êtes vraiment !

On adhère à 300% avec elle !

Des questions plus nanas…Comment s’habille-t-on lorsqu’on a ce travail ? Est-ce que tu te maquilles ? Quelles sont tes autres occupations ?

Il faut savoir que dans mon village les femmes travaillent du matin au soir, dans les champs et à la maison. Elles sont donc loin de ces préoccupations de coquetterie, mais une nana française qui atterrit dans tout ça garde quand même quelques petites habitudes, histoire de se sentir femme en toute circonstance !

Tout d’abord, ne pas se laisser aller, porter des vêtements confortables mais des jolis sous-vêtements en toute circonstance et je me parfume après chaque douche,
juste comme ça pour sentir bon et me faire plaisir !

Pas de maquillage, sauf du rouge à lèvres quand j’ai rendez-vous avec les autorités locales, leurs femmes portent toujours du rouge à lèvres, c’est une question de classe sociale, alors je m’adapte.

Les occupations sont très restreintes, je suis en pleine campagne, je passe beaucoup de temps avec mes voisins car ici c’est la vie communautaire qui prédomine.

Parfois nous allons tous ensemble chez un voisin regarder une pièce de théâtre balinais télévisée, parfois nous restons là à plaisanter et discuter. La grand-mère fait un massage à son petit-fils, le père masse un coq de combat, les femmes se racontent les ragots, les enfants restent avec les adultes, ils s’endorment au milieu de nous. Je lis beaucoup aussi, je ramène toujours des livres de France.

Raconte nous une journée type…

Je me lève à 6 heures, je bois le café balinais comme le café turc : avec le marc au fond. Puis réunion de travail avec mes coordinateurs pour distribuer les tâches de
la journée, puis ensuite cela varie. Je peux les accompagner pour une séance de sensibilisation ou bien aller vérifier que le contenu des poubelles est bien conforme, c’est-à-dire sans déchet organique. Parfois je reste au bureau pour améliorer nos outils de travail et les rendre plus professionnels : amélioration des cours pour les écoles, amélioration des documents de travail des coordinateurs.

Je passe le plus clair de mon temps sur le terrain, le paysage de ma région est magnifique : rizières, villages traditionnels, montagnes et mer qui se rejoignent, c’est un enchantement quotidien.

Quel plaisir de l’écouter. Je vais peut être aller lui rendre visite !

Vous voulez lui faire plaisir : envoyez-lui des messages de soutien, elle aura tellement de plaisir à les lire, je vous l’assure.

Quel est le futur du projet ?

Agrandir notre zone d’action en partenariat total avec les autorités locales afin de permettre à un maximum d’habitants d’avoir accès à ce service.
Nous voudrions que notre action incite les pouvoirs publics indonésiens à s’investir activement dans la protection de leur environnement. Pour cela nous leur proposons des conférences de sensibilisation et une aide concrète sur le terrain. Depuis le début de notre action, nous avons pu leur prouver que c’était possible et que la population s’adaptait assez bien à ces nouvelles habitudes.

De façon plus concrète, à côté des campagnes de sensibilisations ciblées et de notre apport d’infrastructures de collecte des déchets ménagers, nous voudrions
monter notre propre centre de tri où les déchets ramassés seraient triés et revalorisés. Nous voudrions fabriquer des objets avec des matériaux de récupération et les revendre, créant ainsi des revenus pour la population.

Nous réussissons à récolter, après deux années de travail, plus de 3 tonnes de déchets non-organiques par mois. Ce projet est très bien perçu par les autorités locales et les écoles, moins bien comprises par la population.

 

Bravo Charlotte, à celle qui est allée au bout de son plaisir, faire ce qui lui convenait bravant les difficultés et les reproches ou les doutes, la vie facile, tracée.

En mai fais ce qu’il te plait : à moi, il me plait de rencontrer de telles femmes qui nous servent d’exemples à suivre et nous donnent de belles leçons de plaisir dans la difficulté. Petits plaisirs, grands plaisirs, tout est bon s’il nous convient.

Plus de renseignements sur :

www.yves-rocher-fondation.org

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Par Marie TERRY


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