Nous avons toutes encore en tête « l’affaire Véronique Courjault » relative aux bébés congelés découverts à son domicile à Séoul en juillet 2007 suivi par un cas similaire en Savoie et d’autres découvertes macabres régulièrement mises à jour… Ces faits que l’on qualifiera par la suite d’infanticides, ont tourné autour d’un axe psychologique commun […]
Nous avons toutes encore en tête « l’affaire Véronique Courjault » relative aux bébés congelés découverts à son domicile à Séoul en juillet 2007 suivi par un cas similaire en Savoie et d’autres découvertes macabres régulièrement mises à jour… Ces faits que l’on qualifiera par la suite d’infanticides, ont tourné autour d’un axe psychologique commun qui, bien qu’il ne justifie en rien le mobile du crime, nous permet d’élaborer un début d’explication : le déni de grossesse. Ceci nous fait également rentrer dans un domaine difficilement compréhensible de prime abord. Bien entendu et fort heureusement, ces cas sont extrêmes et en général un déni de grossesse aboutit à une naissance tout à fait normale. Cependant, ils ont permis de mettre le doigt sur ce phénomène qui reste encore assez méconnu et de le porter à la connaissance du grand public.
Mais tout d’abord qu’entend-t-on vraiment par « déni de grossesse » ? Selon l’AFRDG (l’Association Française pour la Reconnaissance du Déni de Grossesse), « le déni de grossesse se définit comme le fait pour une femme enceinte de ne pas avoir conscience de l’être ». C’est ce que rappelle le Dr Grangaud, pédopsychiatre, dans une thèse qui fait référence en la matière : « Déni de grossesse, essai de compréhension psychopathologique » (Faculté de Médecine de Paris, 2001). Ici, nous parlons bien d’une pathologie mentale qui, contrairement aux idées reçues, ne s’appliquerait pas seulement aux très jeunes femmes ni aux personnes « attardées ». D’après une étude (C. Pierronne, M.-A. Delannoy, C. Florequin et M. Libert, juillet 2002) réalisée sur 2550 femmes ayant accouché, les auteurs ont observé et décrit 56 cas de déni qui se partagent pratiquement à égalité entre ceux qui prennent fin avant le terme de la grossesse (« déni partiel ») et les dénis qui se poursuivent jusqu’à l’accouchement (« déni total »).
A l’échelle nationale, on estimerait en moyenne ce genre « d’incidents » à environ 300 à 400 par an. Par ailleurs, on remarque même que, paradoxalement, près de la moitié des femmes concernées étaient déjà mères, donc si on veut, théoriquement « au courant » des symptômes de la maternité. En outre, il semble que tous les milieux socio-économiques et culturels soient concernés.
Concrètement, le déni de grossesse pourrait se référer à la situation suivante : celle d’une femme enceinte de 5 à 6 mois, voire sur le point d’accoucher dans les situations les plus extrêmes, et qui n’aurait aucun des symptômes classiques de l’état de grossesse. A savoir que son corps ne présenterait pas de signes particuliers de la grossesse : pas de vomissements, pas de masque typique de grossesse, pas de prise de poids (donc pas de ventre rond), pas de fatigue… De plus, il n’y a aucune perception de mouvements pour la mère, comme si le bébé tentait de « se faire oublier ». Et l’aménorrhée caractéristique de la grossesse, peut être elle même souvent transitoire ou même totalement absente (il est possible d’avoir des règles « anniversaires » autrement dit des règles normales et pas des saignements de privation comme c’est le cas lors d’une contraception hormonale). Nous retiendrons ici que le fait le plus saillant du déni de grossesse est cette absence de prise de poids ou alors une prise de poids non significative (quelques kilos) attribuable à une autre cause (soucis émotionnels, boulimie, période des fêtes…). Et certaines patientes pourront nier leur état jusqu’au dernier moment prétextant qu’elles ne peuvent pas être enceintes « puisqu’elles rentrent parfaitement dans leurs vêtements »…
Toutefois, la femme enceinte pourra néanmoins présenter certains de ces signes qui resteront ignorés le plus longtemps possible parce qu’ils sont susceptibles de trouver une autre explication « rationnalisante ». Cela peut coïncider avec un problème hormonal qui justifierait l’absence de règles (ménopause, traitement médicamenteux chez une personne plus jeune…) ou avec une maladie quelconque privative de saignements. Bien entendu, lorsque ceci arrive à de très jeunes filles, le déni pourra être causé tout simplement par le fait de ne pas savoir, d’être dans l’ignorance de son état et du b.a.-ba de la conception (ce qui arrive encore de nos jours pour de nombreuses adolescentes…).
Il peut donc y avoir des signes de la grossesse que l’on ignore, mais pourquoi ? A cela, nous pouvons avancer plusieurs explications.
comme nous l’avons déjà dit précédemment, l’ignorance totale des mécanismes de la conception et donc des conséquences qu’un rapport sexuel peut engendrer :
Notons également un autre point caractéristique relatif quant à lui à l’entourage le plus proche : celui-ci n’est généralement pas au courant non plus et ne voit rien, ne perçoit rien alors que des personnes plus éloignées seront à même de déceler la vérité. Par ailleurs, même des médecins peuvent laisser passer une grossesse pour autre chose. C’est comme s’il y avait une sorte de « complicité » sous-jacente et totalement implicite de l’entourage, à l’image du bébé qui « se fait tout petit » puisque « ne se sentant » pas désiré.
Et les conséquences par la suite ? Même si la majorité des bébés nés à la suite d’un déni de grossesse sont pris en charge et grandissent tout à fait normalement, il ne faut pas occulter les problèmes psychologiques pouvant se poser après l’accouchement. En effet, certaines de ces « mères » qui, rappelons-le, n’ont pas choisi de l’être pour la plupart d’entre elles, auront de grosses difficultés pour élever leur enfant. Et ici nous ne parlons pas de difficultés matérielles mais de difficultés psychologiques.
Outre une dépression post-partum( s’étend de la fin de l’accouchement jusqu’au retour de couches, c’est-à-dire les premières règles après la grossesse), on peut évoquer un manque d’instinct maternel et d’amour, de tendresse, de complicité envers son enfant. Peu de gestes affectifs, seulement des gestes utilitaires et souvent une incompréhension et un problème d’écoute face aux demandes de l’enfant. Le lien mère-enfant aura du mal à s’établir parce que justement la mère n’était pas prête de le devenir, et ce, avec toutes les conséquences psychologiques qui peuvent en découler pour l’enfant : sentiment d’abandon, d’avoir été non désiré, manques affectifs… A ce stade, un suivi et un accompagnement psychologiques et émotionnels de la mère et de l’enfant seront essentiels notamment à la construction de ce lien.
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Pour plus d’informations : consultez [url=http://www.afrdg.info]le site de l’Afrdg[/url] et lisez aussi l’excellent ouvrage de Gaëlle Guernalec-Levy « Je ne suis pas enceinte : enquête sur le déni de grossesse » (paru le 21 février 2007 aux éditions Stock).
Par Ariane-Isabeau Noël
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