J‘ai subi un abus sexuel

Chère Nadine,

Le fait que ton père n’ait pas reconnu ce « grand-père » comme « mauvais » ou coupable et qu’à l’inverse il l’ait même encensé en lui offrant son admiration a de toute évidence réactivé chez toi l’angoisse de cet épisode traumatisant et a contribué au rejet de ce qu’une relation à un homme pourrait t’apporter.Mais, dans ce que tu me dis, j’entends un paradoxe entre tes attentes et tes blessures.

Ma question est la suivante, comment et pourquoi t’attendais-tu à ce que ton père rejette cet homme, alors qu’il ne savait quels actes celui-ci avait pu commettre et comment il avait pu blesser sa fille ? Tu sembles avoir mis ton père dans une position de défenseur de cet homme alors qu’il ignorait l’enjeu de la situation.

Par ailleurs, la relation à ton père ne semble pas si simple, si tu ne l’as pas vu pendant 20 ans, et si je calcule bien il semble que tu l’ai perdu de vu peu après le viol que tu as subi. Autant dire que tu as grandi sans le voir de 6 ans à 26 ans, cette absence si longue incite souvent à idéaliser celui qui n’est pas là, et la rencontre avec celui-ci peut alors être décevante. Pourquoi n’a-t-il pas été présent pour sa fille durant 20 ans ?

Quelles sont les raisons de ton ressentiment, tu peux lui en vouloir aussi pour cela, car tu as le sentiment qu’il n’a pas su te protéger de ce viol, de l’impact profond que ce traumatisme a eu au cours de ta vie et lorsque tu le retrouves tu espères réparation en quelque sorte, mais il continue de t’exposer à la « toute-puissance » de cet homme, en lui vouant sa fidélité.

Considère ton père dans ce qu’il est et adresse lui l’amour et la déception qu’il mérite, et pas ce qu’il ignore, essaye de ne pas faire d’amalgame entre ce que tu ressens pour l’homme qui t’a violé et lui. Comme tu le dis, si tu penses pouvoir avancer en faisant éclater la vérité sur cet homme, alors oui je pense qu’il est bon que tu en parles à ton père, c’est évident qu’une telle chose qui t’as autant atteinte ne dois pas rester secrète car ce n’est pas à toi de porter la honte en étouffant l’affaire.

Cet homme est mort, certes, mais tu n’en sali pas la mémoire pour autant, il s’est sali tout seul de son vivant. Quant à te faire reconnaître comme victime auprès des tribunaux, je ne pense pas me tromper en te disant que la victime mineure d’un viol dispose de 20 ans à partir de sa majorité pour porter plainte.

Mais je pense que cette démarche doit être accompagnée d’une prise en charge psy, car pour te reconstruire il faut aussi que tu vois en toi une jeune femme et pas seulement la victime d’un viol.

C’est un événement terrible qui t’es arrivé, mais tu ne dois pas te définir que par cela. Libère toi de ce carcan dans lequel était étouffe ta vie, apprends à t’aimer et fait de tes faiblesses des forces, parce que de tout ce qui nous arrive dans la vie ce qui compte c’est ce que l’on en fait.

Bien à toi & Courage

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